mardi 25 mars 2008

Étoile Filante

Dimanche soir, lundi matin pour être vraiment juste, après une soirée relax à jouer aux cartes accompagné de quelques amis et de froids pichets, je décide de me promener un peu en T-Mobile après avoir effectuer les classiques lifts de retour de mes comparses. Dans mon lecteur cd, mon disque pour ces balades nocturnes où je vais rouler dans les parties les plus sombres et loin de la civilisation que ma ville peut m’offrir. Au menu, Heart of Gold et Hey Hey My My de Neil Young, Wild Word et Father and Son de Cat Steven, Time of Your Life de Green Day, Black Orchid de Blue October ainsi que Carrion de British Sea Power.

Je suis transporté par la nostalgie, une mélancolie assumée dans laquelle j’aime me plonger à l’occasion en contemplant le vaste monde où ma petitesse est criante. Je roule lentement, j’écoute la mélodie du mélange de la musique et du crissement de mes pneus avec le gravier qui constitue les sinueuses et éloignées routes que j’emprunte et me laisse bercer par mille souvenirs.

J’aperçois un homme qui marche. Son air m’est familier, sa démarche claudicante n’est pas sans me rappeler quelqu’un. Je le dépasse, jette un coup d’œil pour savoir à qui cette homme me fait penser…

Puis je me souviens. Mike, 3 étés plus tôt, j’avais fait sa connaissance d’une façon aléatoire, je ne saurais vraiment m’en rappeler. Issus de deux milieu différents, lui mon aîné de 5 ans, nous avions deux tempéraments différents, des personnalités opposées dont la connexion avait quelque chose d’imperceptible, d’inexplicable pour l’observateur rationnel. Je venais de finir mon secondaire, j’avais cette impression de puissance, l’ambition du jeune devant les possibilités infinies d’un avenir où les barrières semblaient absentes. Lui travaillait depuis 3 ans dans la même usine, sortait avec la même fille depuis 2 ans, avait des projets de famille, de maison, il croquait dans le juteux fruit de la vie qui pour lui était mûr.

Si j’avais à choisir mon plus bel été à vie jusqu’à présent, ce serait sans doute celui là. Je travaillais dans une petite épicerie et, étant le dernier jeune engagé, les heures n’étaient pas plus nombreuses pour mois la période estivale venue. J’avais donc beaucoup de temps libre. Je jouais au basketball, le soleil plombant sur moi alors que s’évaporait toute sueur au rythme de sa création. Je mangeais de la crème glacé, je me gavais de bouquin et vivait à la cadence de ces auteurs qui peuplaient ma vie, mon imaginaire. C’est sans doute à cette période que ma jeunesse fut la plus vivifiante : je n’avais pas encore subi de désillusion amoureuse, j’étais foncièrement naïf et j’ignorais presque tout de la cruauté si ce n’est que de ce que j’en avais lu. Et puis il y avait ces soirées avec Mike…

Il avait trouvé un endroit incroyable, une clairière dans une forêt qui berçait les limites du village. Le soir venu, on s’y allumait des feux, un ruisseau clapotait non loin et l’absence d’arbre nous laissait comme toit un ciel parsemé d’étoiles. Parfois entre deux chummys, souvent en groupe, toujours avec une guitare, nous y passions des soirées à chanter et à refaire le monde, le visage illuminé par la braise qui réchauffait l’air ambiant. Il y avait dans ces moments une absence totale de soucis, l’innocence dans sa quintessence, le plaisir d’une pureté à en être repu. Rien n’aurait su entacher ces moments où le temps semblait se suspendre, arrêter son court pour nous laisser goûter aux arômes de la savoureuse vie qui nous semblait alors si généreuse.

Puis l’été avait pris fin. À chaleur et loisir avaient succédé les froides brises automnales et obligations scolaires. Bien que rougeoyante, la nature nous avait abandonné tel un inquestionnable rappel que l’éphémère est une incontestable vérité. Nos vies divergentes avaient été catalyseur à notre éloignement à l’époque. Tandis que lui reprenait une vie de shop, 40 heures semaines où vendredi 5 heures arrivait comme salvation, j’entreprenais le CEGEP, je m’acclimatais à un nouvel environnement, un rythme de vie différent. On s’était vu moins souvent, non pas que nous nous entendions moins bien. Qu’un simple processus, le retour de la normalité où les mondes n’ont que faire de s’entrecroiser.

Et il y avait eu ce soir. La première neige de l’année était tombée pour venir maculer la verdure de son blanc caractéristique. J’avais le goût de lui parler. Il y avait cette superbe fille avec qui j’avais des affinités et dont la complexité de notre relation me chicotait. Je voulais savoir son opinion, prendre de ses nouvelles, être mis-à-jour quant à ses projets. C’est sa mère qui m’avait répondu. Je ne la connaissais pas, nos rapports s’étaient limités à deux brèves rencontres dans l’embrasure d’une porte.

Secoué à l’audition du nom de son fils, elle m’apprit que Mike avait mis fin à ses jours il y avait deux semaines de cela. Je fus dévasté par la violence du fait, par l’irrémédiable de la nouvelle qui alliait incompréhensible et déception dans un mélange d’une douleur explosive. Tout le monde avait été pris par surprise me dit-elle. Sa petite amie l’avait retrouvé dans le garage, pendu. Aucune lettre, rien pour expliquer cet abrupte geste posé par un gars ultra souriant, drôle, rempli de projet et positif. Néant pour parvenir à saisir ce qui avait pu le pousser, le motiver à commettre l’irréparable.

Je n’ai jamais su pourquoi. Encore aujourd’hui, je suis inapte à émettre la moindre hypothèse. Comme dans tant de cas du même acabit, l’incompréhension règne comme reine et maître. Je ne suis jamais allé voir sa tombe. Mis au courant trop tard pour avoir assisté aux obsèques, il y a devant cette matérialisation de la mort quelque chose de trop noir, trop sombre pour que j’ose m’en approcher. Sa présence fut courte dans ma vie mais comme les étoiles que nous aimions tant observer, bien que filante, il fut une des plus étincelantes jusqu’à présent dans ma vie.

Puis je sors de mes pensées…

Je dépasse l’homme, lui jette un regard pour découvrir, évidemment, que ce n’est pas Mike. Malgré tout, cette rencontre me laissa fort songeur. Soudainement, la nuit me semblait plus sombre.

10 commentaires:

Ann a dit…

Étrange. De rester avec le doute pour toujours, et de se rendre compte en perdant une personne de l'importance qu'elle avait pour nous.

Tania a dit…

Salut. C'est un bel hommage que tu lui rends je crois, à ta façon. Les gens qui posent de tels gestes auraient assurément gagné à savoir la marque qu'ils ont laissé sur les gens qu'ils ont croisé... Malheureusement, ils l'oublient...
C'est étrange comme certaines personnes s'enracinent en nous, et qu'on s'en rappelle encore, parfois des années plus tard, sans qu'elles le sachent...
Tu écris très bien, j'aime beaucoup ton blog que je viens de découvrir...j'y reviendrai.

Anonyme a dit…

Tes mots me touchent. Ça me rappelle à quel point la vie est fragile et qu'il vaut mieux Vivre qu'Exister. Réalisons chaque jour nos rêves et tâchons d'être reconnaissants. Soyons honnêtes avec nous-mêmes et ... (symbolique réfléchie) : "acceptons toutes les choses que nous ne pouvons pas changer, ayons le courage de changer les choses que nous pouvons et la sagesse, d'en connaître la différence." Elle est plus qu'importance cette phrase-là!

volage a dit…

J'enviais sincèrement ton histoire avec ce Mike avant d'en connaître la fin...

Malgré tout, après réflexion, je l'envie encore. Les moments que vous avez vécus sont intouchables et ne devraient pas être assombris par cette triste finale.

La seule certitude que tu peux avoir face à cette histoire est que la vie vous a donné à tous les deux l'opportunité de croiser vos chemins et ne serais-ce que pour cela, tu peux l'en remercier. Ça, personne ne va te l'enlever!

KattyKane a dit…

C'est jamais facile de perdre un ami... même s'il ne meurt pas nécessairement... pis c'est quand tu essaies de renouer que tu vois que c'est trop tard... même si nos amis ne meurent pas, des fois c'est impossible de retrouver l'amitié qu'on avait... ça fait mal quand on réalise qu'on perds quelque chose d'important...

Je suis vraiment désolé que tu ais perdu un ami de cette façon... sans vraiment le savoir... c'est dur...

;)

La mante religieuse a dit…

Très touchant...

Le Tapageur Silencieux a dit…

@love clichée: C'est un peu triste au fond de se rendre compte de l'importance d'une chose que lorsqu'on la perd.

@tania: C'est évident que les personnes qui commettent l'irrémédiable de la sorte ignore sans doute l'importance qu'ils ont, la différence qu'ils peuvent faire. Bienvenue sur ce blog et au plaisir de te revoir.

@ensevelie: C'est bien vrai ce que tu dis, il y a fort à gagner en suivant cette philosophie.

@volage: Effectivement, la fin plutôt tragique n'enlève en rien les moments interessants passé ensemble. L'important c'est de rester avec le positif et, sans faire abstraction du négatif, focuser sur le meilleur que la personne a pu offrir.

@kattykane: C'est sans doute une des choses les plus désagréables que de voir des amitiés s'effriter, peu importe la raison.

@cherry lady: Merci...

Josiane a dit…

Touchant, en effet.

C'est fou comment un détail, une image, peut nous ramener à nos souvenirs, à une autre époque.

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