vendredi 29 août 2008

Orateur

Barack Obama clôturait ce soir le convention démocrate qui venait officialiser le choix de sa personne comme candidat du parti de l'âne (erratum ma parole!) en prévision des élections de novembre prochain. Pour se faire, l'homme se prononçait devant une foule de 75 000 personnes, 45 ans jour pour jour après une des allocutions les plus célèbres, intelligentes et émouvantes de l'histoire, celle du I Have a Dream de Martin Luther King. En quelque sorte héritier spirituel du pasteur, le sénateur de l'Illionois y est allé d'un discours très inspirant, brillant, n'étant pas sans rappeler sa surprenante et délicieuse intervention à la convention de 2004.

Je regardais ça dans mon salon, électrisé par la foule survolté, par le ton de l'orateur, la justesse de ses mots, le dosage parfait de ses attaques, la contagion de sa passion. Je percevais une intelligence rare, un raffinement délectable. Presque pas de raccourcis, de facilités, le temps pris pour bien faire les choses.

J'ai hâte de voir tout ce qui en découlera, même si je demeure méfiant, cynique. Je viens de terminer 99 francs de Frederic Beigbeder, la plus grosse charge de cynisme sous sa forme la plus pure et la plus savoureuse qui soit, et je me sens donc réservé, un peu distant face à tout ça. Et malgré tout...

Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à ici, à la politique québécoise et canadienne. Même si, comme beaucoup de trucs aux States, la politique là-bas est une bonne partie de show, je ne pouvais m'empêcher d'y envier la passion, la mouvance qui la caractérise actuellement. De voir tant de gens réunis pour un discours politique, suspendus aux lèvres d'un politicien, ça me fait rêver à des sottises. Du genre des changements. La dernière fois qu'on a pu observer quelque chose du genre ici, je crois qu'il faut remonter à Bourgault et peut-être Lévesque. Ça fait mal.

Et puis on peut aussi se demander. Est-ce que les orateurs sont nécessaires afin d'intéresser un peu les gens à la politique? Est-ce le cours normal des choses? Est-ce utopique d'espérer un intérêt naturel pour les gens qui influencent directement notre quotidien? Je ne sais pas trop. Tout ce que je sais c'est que ça en prendrait sans doute plus du genre d'Obama. Quoique, attendons voir premièrement s'il sera élu (beaucoup de doutes) et ce qu'il fera de son mandat. Vivement novembre.

jeudi 28 août 2008

Fever

Nuit noire, une fois de plus. Je consomme ma solitude à coup de 355 millilitres, une solitude froide et pétillante. Glaciale mais qui me brûle le gosier et m'étourdit tandis que les minutes s'écoulent à une lenteur indécente. Il fait presque silence ici. Seul le bruit terne du réfrigérateur et le cliquetis de mes doigts pianotant sur le clavier trouble le calme absolu.

Dans ma tête, mon esprit, des notes brumeuses tardent à se matérialiser. Je respire lentement, écoute le bruit de mes inhalations régulières, on croirait y percevoir un rythme sous-jacent. Je me laisse vibrer à la fréquence de mon coeur. Je le sens pousser le sang à coup de pulsations, battant la cadence d'une musique qui m'échappe toujours. Inconsciemment, je tape du pied, nerveusement. Je secoue la jambe frénétiquement dans la plus totale insouciance. Et puis je prends une pause, tente de voir ce qui s'y trotte. Et je trouve enfin.

TRRRRAAAAAGGGGGGEDDDDDDYYYYY!


mercredi 27 août 2008

Ami, Chummy et Amour. Parce qu'il faut définir.

Parce que le passage littéraire qui m'a le plus marqué jusqu'à présent dans ma vie, c'est celui de 1984 où l'auteur explique comment réduire la liberté en diminuant la diversité des mots, j'essaie toujours d'en découvrir de nouveaux, fouiller pour en dénicher des inconnus, découvrir de nouvelles expressions. Or une des choses qui m'agacent fortement, c'est de voir des mots galvaudés, surutilisés et l'être dans le mauvais sens.

C’est une belle chose, la destruction des mots. Naturellement, c’est dans les verbes et les adjectifs qu’il y a le plus de déchets, mais il y a des centaines de noms dont on peut aussi se débarasser. Pas seulement les synonymes, il y a aussi les antonymes. Après tout, quelle raison d’exister pour un mot qui n’est que le contraire d’un autre ? Les mots portent en eux-même leur contraire. Prenez "bon", par exemple. Si vous avez un mot comme "bon", quelle nécessité y a-t-il à avoir un mot comme "mauvais" ? "Inbon" fera tout aussi bien, mieux même, parce qu’il est l’opposé exact de "bon", ce que n’est pas l’autre mot. Et si l’on désire un mot plus fort que "bon", quel sens y a-t-il à avoir toute une chaîne de mots vagues et inutiles comme "excellent", "splendide" et tout le reste ? "Plusbon" englobe le sens de tout ces mots, et, si l’on veut un mot encore plus fort, il y a "doubleplusbon". Naturellement, nous employons déjà ces formes, mais dans la version définitive du novlangue, il n’y aura plus rien d’autre. En résumé, la notion complète du bon et du mauvais sera couverte par six mots seulement (bon, inbon, plusbon, plusinbon, doubleplusbon, doubleplusinbon), en réalité un seul mot (bon). Voyez-vous, Winston, l’originalité de tout cela ? Naturellement, l’idée vient de Big Brother.

Ami. Parce que moins de gens devraient être considérés comme tel. Je suis de ceux qui pense que le nombre d'amis que l'on a devrait se compter sur les doigts d'une main. Parce qu'un ami, c'est plus que quelqu'un avec qui tu vas prendre une bière une fois de temps en temps, avec lequel tu vas voir des shows ou avec qui tu vas voir un film. C'est quelqu'un avec qui tu parles d'incertitudes, d'aspirations, de passions, de peurs. Le genre de personne qui devine avec justesse à ton propos, cerne tes feelings en un clin d'oeil, un soupir, un sourire. Impossible d'avoir 20 amis, impensable de semer à tous vents sa personnalité de la sorte, éparpiller autant de parcelles de soi-même. Parce que l'amitié, plus qu'un partage, c'est un don, celui conscient de la confiance, du respect et de son intimité.

Je trouve ça abusif de voir tant de gens se proclamer amis. Parfois, j'insulte des personnes en les appelant connaissance ou même chummy. Du monde qui se sentait offusquer grave. Alors qu'au fond, je considère uniquement que c'est le qualificatif juste. Pourquoi faker et tomber dans la grasse hypocrisie? Enfin...

Chummy. Pour moi c'est le plaisir, la simplicité, une relation à base ludique. Un terme moins fort certes mais aucunement péjoratif. Juste la réalité. Une acceptation mutuelle d'aller moins loin, juste avoir du fun. Mon cercle de chummys est bien plus vaste que celui d'amis. Même que la fréquence de fréquentation n'est pas un facteur. Juste la nature des liens. On se claque quelques bières dans un pub, on ressasse des anecdotes, on s'ostine sur nos goûts musicaux. Il arrive que des chummys deviennent amis, effet du temps. Le cours des choses, des moments difficiles à décrire, la fééries des liens qui se tissent comme la construction de la plus belle des toiles, celle de la société.

L'Amour. Parce qu'il faut parfois rectifier. Étant de la génération Dawson Creek (oh oui), j'ai vu des filles à 7 ans y aller de grosse déclaration d'amour. Cute certes, mais rendu à 16-17, il fallait comprendre que c'est un mot, il me semble, à user avec parcimonie. J'ai déjà lu quelque part quelqu'un définir l'amour comme étant un amalgame de désir et de respect. Je trouvais ça bien. Étant moi-même parcimonieux de mon grand respect (pas celui d'usage et de politesse, celui mélangé avec de l'admiration), on se retrouve avec de la double parcimonie, un mot à dosage ultimement restreint.

J'ai déjà sorti avec une fille qui se gâtait les "je t'aime" comme on se gate les "va chier" en soirée de pool. Toujours déroutant de se faire balancer ça quand tu ne t'y attends vraiment pas. Et quand tu considères que ce n'est ridiculement pas justifié. C'est aussi l'école de la vie qui fait son effet car c'est comme ça que tu apprends que répondre "euh, ben moi j'peux pas dire ça, ça marche pas de même, calme toé", ça peut être un fort malus pour la longévité d'une relation.

Tout ça pour dire que dans la vie, il faut faire attention avec certains mots.

mardi 26 août 2008

Les petits plaisirs

T'as beau partir de façon pas pire impromptu afin d'aller voir un des plus gros barrage à voûtes et contreforts au monde, le plus gros bassin d'eau douce en Amérique, foncer à même la sublime forêt québécoise, y découvrir des paysages époustouflants, il n'en demeure pas moins qu'il y a aussi les petits plaisirs à côté qui sont toujours appréciable.

-Découvrir que le motel le plus miteux du brun Baie-Comeau offre un accès internet sans fil. C'est la joie même si au fond ça me fait réaliser à quel point je suis accroc au World Wide Web.

-Chanter à tue-tête Et tu marches de Richard Séguin (le meilleur au Québec!) alors qu'il fait nuit noire, que les étoiles scintillent de mille feux dans le ciel et que nous roulons en direction de Forrestville.

-Une flatulence lors d'une pause silencieuse charnière.

-Avoir tort pis aimer ça, parce que ça rend les choses meilleures.

lundi 25 août 2008

Passer du plus laid au plus beau (À la Manic Part II)

Parce que la vie est telle une compétition de trampoline (j'aurais bien voulu mettre en évidence le masculin pour avoir l'air érudit big time mais bon), pleine de rebondissement, c'est en direct de la modeste localité de Forrestville que j'écris ce soir, fort de 2 jours supplémentaires de périples dans les terres plus profondes de la Belle Province. Faisant fi de l'intérêt de mes 2,12 lecteurs, je vais me gâter un billet rempli de détails pointus, inintéressants et de photos amateurs sans grand intérêt et guess what? Je le fais parce que ça me tente. Screw you all.

Fig 1: Hotel Luxueux!

Après une nuit dans un luxueux hôtel samedi matin, nous sommes parti en direction de Matane, là où un traversier nous attendait à 17h afin de nous mener paisiblement à Baie-Comeau après une traversée de 2h20. Après un bref arrêt dans un parc de Matane où notre quatuor eut tôt fait de maitriser l'art du pédalo comme peu de gens avant dans l'histoire, nous étions à bord du bateau qui nous permettrait de passer sur la rive-nord du fleuve.


Fig 2: Le Tapageur suce un nain

Dans le bateau, nous sommes attaqué par le plus intense assaut de turquoise de l'histoire humaine. Chaises, bordures, modules, murs, tout est d'un turquoise vif et aveuglant. Dégustant repas en haute teneur grasse, nous apprécions le mariage des reflets marins et de la peinture extrêmement laide.


Fig 3: Turquoise!

Après le débarquement, nous pénétrons dans Baie-Comeau. J'atteins ici la limite de mon vocabulaire et me vois dans l'incapacité de décrire avec justesse la laideur des lieux. Si toutefois je devais me risquer à décrire les lieux, je succomberais sans doute à une scabreuse comparaison avec un cul d'obèse insalubre rempli de vergetures. Le tout est fortement brun et parsemé d'orifice à de multiples et inorthodoxes endroits. Nous prenons plusieurs pauses pour témoigner notre choc devant une ville aussi hideuse en exclamant notre désarroi visuel par l'usage d'élaborées phrases telle que "Tabarnac que c'est laite". Jusqu'à présent, j'avais toujours trouvé exagéré les éloges envers la ville de Québec et sa prétendue beauté mais aujourd'hui, je réalise que je suis choyé lorsque je compare avec l'uniforme brun d'une ville qui semblait en lendemain de guerre civile: Baie-Comeau.

Arrive le moment de se loger. Violer financièrement par la suite de la veille, nous nous rabattons sur le plus miteux hébergement qui est à notre disposition. C'est donc dans insalubre motel que nous nous abritons pour passer une nuit de sommeil qui sera marquée par un matelas plus dur que le cock d'un jeune prépubère devant les seins de Shannon Elizabeth dans le mythique Folie de Graduation ainsi que par une chaleur ambiante insoutenable. Prisonniers de ces lieux puisque la caissière de l'`épicerie de la ville nous ayant affirmé qu'un samedi soir à Baie-Comeau "il n'y a rien à faire", nous visionnons Mortal Kombat avec un entrain empruntant au fanatisme. Cela s'avéra une de mes pires nuits de sommeil ever, la pression constante du genou du Warrior sur mon anus n'étant visiblement pas un facteur aidant à la récupération.


Fig 4: Économie pour alcool

Malgré tout, nous entreprenons la route vers Manic 5 le lendemain gonflés à bloc. Après 214 km de route plus sinueuses que les amours de Lindsay Lohan, nous arrivons finalement au barrage Daniel Johnson. La vue est majestueuse et incite à l'humilité de par sa grandeur phénoménale. Je n'ai jamais eu de ferveur souverainiste quelconque mais là, à cet instant précis, je suis fortement fier de l'accomplissement des mes contemporains québecois. La visite guidée dure environ 2 heures durant lesquels on nous explique clairement le fonctionnement du barrage et où on nous fait visiter les lieux. Le point culminant est sans l'ombre d'un doute l'arrêt sur le dessus du barrage qui nous offre une vue des plus mémorables à la fois sur le bassin Manicouagan ainsi que sur les installations au bas des nombreuses voûtes.


Fig 5: Réservoir Manicouagan

Fig 6: Manic 5

Le chemin du retour se fait sans heurt bien que les nombreuses courbes/cotes ne sont pas sans irriter l'abusé chauffeur que je suis depuis quelques jours. Mu d'une motivation aux sources ténébreuses, nous décidons de faire un bout de chemin le soir même pour nous arrêter à Forrestville, le tout en nous arrêtons au motel de la veille puisque j'y ai oublié mon maillot. Surprise, il a disparu et on me dit n'avoir rien retrouvé. Nul doute qu'il fut volé par une groupie de ce blog pour être revendu un jour sur ebay.


Fig 7: Route hasardeuse

Je vais donc me coucher, espérant la journée de demain fertile en émotions.

samedi 23 août 2008

À la Manic Part 1

Puisqu'il faut battre le fer lorsqu'il est chaud, je n'ai fait ni une ni deux ni un autre chiffre random afin d'allonger cette phrase inutilement dès le départ de ce texte, moi et trois comparses sommes parti hier matin en direction du Nord pour un périple de 4 jours qui nous mènera ultimement au barrage Manic 5. C'est ainsi que ma T-Mobile s'est retrouvé foulé de ma personne ainsi que de La Légende, The Warrior et L'enfant Roi qui désormais est connu sous le nom de Fucking Matt Damon. Étant des hommes de justesse, le départ prévu pour 10 heures eu lieu à 10h45. Voilà qui s'annonçait prometteur.

Comme depuis 1 semaine, parce que Dame Nature se découvre une pitié, le soleil resplendit. Les astres semblent alignés pour un périple des plus mémorables. Après 2 heures et quelques de route dans mon véhicule plus étroit que l'esprit de l'Ontarien moyen, nous arrêtons à River of the Wolf pour un ravitaillement dans un Parc Marin qui s'avère aussi marin que Dan Bigras bien vêtu. Après s'être enquérit de notre chemin auprès d'un vieil homme surmotivé à nous diriger, nous nous rendons tant bien que mal à une hydromellerie où nous nous approvisionnons en alcool de miel. Sur le passage, nous sommes troublé par la quantité inexorable de déficient intellectuel qui peuple les rues mal entretenues du profond Québec ainsi que par le nombre effarant de publicités Parasuco qui sont situés le long de la 132.

Après avoir passé un simili barrage policier où l'alcool situé à même l'habitacle passe inaperçu, nous reprenons la route en direction d'une mythique mine de barytine situé dans le doux St-Paul-de-la-Croix. Une fois sur place, nous visitons les installations guidé d'un homme à voix caverneuse, rouquinement barbu et avec un drôle d'accent. Moment marquant de la visite: la fermeture des lumière de la grotte où nous sommes donc plongé dans le noir absolu n'étant pas sans rappeler l'intellect de Pierre Falardeau. Une randonnée sur la montagne nous a également permis d'obtenir une vue imprenable sur les campagnes environnantes. Moment nébuleux: visionnement de témoignages d'anciens miniers frénétique dans leurs mouvements de langue offrant en arrière plan chaise berçante et bières assis sur des bancs d'autobus dans une grange désaffectée.

Quelques dernières minutes de route nous mènent à Rimouski où nous débusquons logis à haut coût. En effet, nous avons passé la nuit dans une SUITE (oh yeah, cashing) de l'hôtel Rimouski, endroit luxueux offrant piscine et équipe de balle-molle mongole. La proximité du downtown de la ville nous a également permis d'aller se fondre à la faune des lieux dans un bar recommandé par la jeune dame du bureau de tourisme. Expérience plutôt décevante si ce n'est que la performance de danse du sublime Fucking Matt Damon qui ne manqua guère de se déhancher avec protubérance. Le tout pour finalement clore notre soirée par une intrusion alliant le bref et l'insane dans un bar nommé BAR où nous avons pris d'assaut le dancefloor le temps d'une demie chanson du coloré Mika. Quoi de mieux que de se trémousser sur Love Today. Le point le plus positif du lieu hotellier étant sans le moindre doute le brunch/buffet où nous nous sommes grassement gavé ce matin jusqu'à ce que le serveur doté d'un zèle laissant perplexe vienne cavalièrement nous signifier de calisser notre camp.

Nous reprenons la route, direction Matane Beach où le traversier nous attend pour 17 heures. Notre périple vers le barrage se poursuit.

vendredi 22 août 2008

Pour en finir

C'est aujourd'hui que se termine l'épopée Royaume du Pain. Après un peu plus de 4 mois, je quittais ce soir cet emploi qui m'a rendu moribond, léthargique et désagréable en ce pluvieux été. Je relisais mes textes portant sur la chose (ça a toujours bien ça de positif ce truc de blog) et je réalise qu'ils sont tous teintés de négatif ce qui, au final, ne reflète peut-être pas entièrement l'expérience. Parce qu'au fond, c'était aussi un peu ça, une expérience, une aventure dans le monde usinier qui m'était inconnu, l'opportunité de me procurer l'émerveillement perpétuel des stimulis divers que sauront m'offrir mes emplois futurs. J'ai été négatif mais ça a également eu du bien. Je m'élancerai donc dans le positif, le noir saura bien s'immiscer éventuellement.

En quatre mois, j'ai rencontré des dizaines de nouvelles personnes, de quoi secouer un peu le marasme social dans lequel je me vautre grassement. J'ai pu expérimenter le travail de soir, de nuit. J'ai rencontré des gens qui vivent, qui réfléchissent peu, savourent des trucs banals. Un hédonisme simpliste et inconscient, un mode de vie riche dans sa pauvreté. Quelque chose de saisissant qui m'inspire. J'ai parlé à des pères qui me parlaient de leurs enfants avec une lueur particulière dans les yeux. Ça m'a rappelé combien je veux un jour vivre cette joie, celle de la riche paternité. J'ai vu un homme devenir grand-père, son quotidien devenir plus léger, son sourire plus aisé, l'espace d'un bon bout de temps.

J'ai appris que parmi plusieurs colons qui s'encrassent dans un usine, il y a des intelligents, des perspicaces, des articulés. Dans le milieu d'une mare de je m'en foutisme, il y en a qui se préoccupe, s'intéresse.

J'ai aussi rencontré des jeunes sympathiques, je suis monté à La Ronde avec certains, rigolé avec d'autres. Bien sûr, il y avait bien des lâches et des idiots, mais aussi quelques uns qui valaient la peine et globalement, c'est ça qui compte.

J'ai aussi découvert un milieu de travaillants. Des gens qui avaient 2 jobs, qui travaillaient la fin de semaine, qui passaient les publi-sac, bossaient sur leurs terres. Les gens s'arrangent pour arriver, se démènent comme des diables dans l'eau bénite ou comme des anges prisonniers d'un enfer de pain. Ça m'a impressionné.

Aujourd'hui j'ai quitté mon emploi. J'ai serré des mains, on m'a souhaité bonne chance, on s'est intéressé à mon champ d'études, mon avenir, celui qu'ils considèrent avoir perdu en si grand nombre. Je trouvais bizarre de songer que je faisais une action pour la dernière fois après l'avoir fait 2-300 fois durant l'été. Que dire de ceux qui la font depuis 20 ans. Ça aide à rester humble. Comme à chaque fois qu'à un stade de ma vie je quitte quelque chose, école, travail, relation, même si je ne m'y plaisais guère, je suis pris de nostalgie au moment du départ.

Alors que je vidais ma case, mon boss est venu me parler. Tandis qu'il me disait combien il m'avait trouvé travaillant, bon p'tit gars, que ça en prendrait plus comme moi et que j'étais le bienvenue n'importe quand, vraiment n'importe quand pour revenir, j'ai pogné quelque chose. Comme un moton dans la gorge. C'est mou mais je suis comme ça. J'oubliais les heures à rager, à être sidéré par l'hypocrisie entre collègues (qui n'est guère différente de celle qui règne partout), les engueulades monstres à propos de balais. J'étais là et j'étais triste, pour vrai, j'avais la gorge nouée.

Je suis moumoune.

C'est que je m'attache aux gens. J'ai ce défaut. Ça et celui de bien être conscient quand quelque chose se termine, de son inexorable finalité. Je sais donc dès lors que ces gens auxquels je me suis lié, je ne les reverrai plus. C'est un univers que j'ai apprivoisé que je quitte.

Et tandis que je m'en allais vers ma T-Mobile, botte de travail sous le bras, je me suis retourné pour jeté un dernier coup d'oeil à la bâtisse, m'enivrant d'une dernière effluve de pain qui s'échappait nonchalamment de l'édifice rappelant pénitencier, j'ai pogné un petit quelque chose. Malgré tout.

mardi 19 août 2008

Passer de Fendant à Fendu

Parce que je suis bonasse, incapable de dire non, aime pas laisser les gens dans la merde, mollasson, menton de Jacques Demers et tout ces mots du champs lexical de MOU, je me retrouve à faire des 6 heures d'over dans ma dernière semaine de boulot. Au moins, je m'assure de m'être écoeuré à l'infini. Alors que ma vie est aussi plate qu'un chest de marathonienne, je fouille dans des vieux trucs que j'ai écrit pour un peu de cheap divertissement. Pris de grandeur à quelques moments de ma jeune vie, je me suis dit que je pourrais écrire un livre. Voilà un truc que j'ai commencé il y a bien 2 ans, qui n'a jamais abouti, que j'ai déjà essayé de continuer, mais dont le personnage principal me fendait trop le cul. Un genre d'auto-fiction. Je lis ça et je me trouve fendant au possible. Juste l'intro pue.

Il y a de ces moments où l’on a une vision claire, où le chemin nous semble tracé, la voie est plus évidente que jamais. Mais pour ces moments, il y a aussi ceux, plus nombreux, d’errance, de brume, de doutes et d’indécisions.

La vie est questionnement constant. Que dois-je faire? Est-ce bien? Qui suis-je? La quête d’une identité, une avec laquelle nous soyons à l’aise tant à cause de sa véracité que par sa justesse, n’est-ce pas là le travail d’une vie? Une définition sans cesse à refaire, une recherche infinie, ne sommes nous pas guère différent que notre dernière action? Le passé, ces eaux troubles déjà naviguées, peut-il devenir handicap, frein à l’amélioration de notre personne?

J’avais toujours été égocentrique, sûr de moins même et sans considération aucune pour les autres. Il y a quelque chose de grisant à se croire brillant, un insaisissable sentiment de pouvoir, une force que l’on sait ou du moins croit enfouie, l’auto-permission à la médiocrité sous prétexte qu’au fond il s’agit là du droit à la lâcheté. Il y a aussi cette relation d’amour-haine avec les autres. La masse humaine ne devient plus que bipolaire, divisée entre adulateurs et errants. Sans doute pathétique mais somme toute confortant. Alors que l’on croit se foutre des gens, on devient esclaves de leurs jugements, junkie de leur approbation puisqu’en fait, il n’y a que l’opinion des autres qui permet d’échapper à la sienne.

Et une fois la nuit venue, alors que les artifices sont tombés, que les éphémères distractions laissent place à la noirceur ironiquement révélatrice, ne reste plus que ce dialogue avec soi-même, cette recherche de sa propre substance, ces sempiternels questionnements pour lesquels il n’existe d’échappatoire autre que la folie.

On avance à tâtons, la vie se charge de nous envoyer des signes, on fait nos choix, nos décisions, on laisse nos traces sur le sinueux chemin universel et on espère laisser fertile passage. J’avais toujours choisi les raccourcis, l’utilisation du travail des autres, l’escapade, la fuite, la lâcheté.

Et puis il y avait eu cet été, l’espace d’un moment mais aussi l’espace d’une vie, où j’ai commencé à croire en moi, vraiment. Cet été là, je suis devenu un homme.


Je suis là à m'auto-proclamé brillant hahaha. C'est dégueux tight. Il y a quelque chose de troublant à voir combien on change avec le temps. Aujourd'hui, j'ai l'impression de douter de ma personne un max, une rémanente impression que je ne fais rien de bon alors qu'à une époque, on aurait dit que je me croyais Roi du Monde dans un égocentrisme consommé. C'est cyclique j'imagine.

lundi 18 août 2008

Les grands enjeux de sociétés

Parce qu'aujourd'hui, on règle les vrais problèmes.

-Les frites dans la poutine, quel fléau. À quand du fromage dans de la sauce, simplement?

-Claude Poirier, je cherche des gens qui considèrent ses points de vue intéressant. On veut des NOMS!

-La souveraineté, faudrait se donner une date où collectivement, on abandonne, on arrête les sempiternels débats stériles. Mettons euh, 12 février 2004 genre? (Je me ferai pas d'ami ^^)

-Les gars torse nu dans les lieux publics, common...

-Les personnages de fiction qui meurent sans qu'on comprenne le "besoin", ça va faire! Quand j'étais petit et que je me gavais de Courte Échelle, je trouvais que tout était trop joyeux. Mais là, ça suffit les morts. Oui, je n'ai pas encore accepté la mort de Fred Weasley.

-Les gens qui disent et écrivent à tous vents qu'ils ont quitté la salle de cinéma avant la fin d'un film. Ben voyons donc.

-Mike Gauthier qui se trouve top cool mais qui arbore le veston de cuir. Faut décider Sweet Mike.

-Les posts de 1 ligne ultra vague du genre "Je capote, c'est juste fou.", ça fera!

vendredi 15 août 2008

Soleil leil leil

C'est le coeur étonnamment léger que je me retrouve ce matin main sur mon clavier à écrire ici tandis que le soleil se lève lentement et dissipe la brume alors que résonne encore dans ma tête l'écho des quelques milliers de chocs entre paniers et convoyeurs qui ont meublé ma nuit. Je suis joyeux et ni ma nuit blanche ni les aléas de mon estomac tiraillé par le doublement de ma consommation à vie de boisson énergisante en une seule nuit ne sauront troublé cet enthousiasme. Galvanisé, je ferai du coq à l'âne et écrirai avec plein de sous-titres, tel un Richard Martineault. J'utiliserai même la nouvellement découverte option qui me permet de publier un texte à l'heure que je le désire. Bien qu'il soit en ce moment 8h30, vous ne verrez rien avant 11h. Non mais quand on peut hein, pourquoi pas le faire!

La vie la vie

Je suis tombé sur 2 épisodes de la télé-série hier, et j'ai vraiment tripé. Je me souviens d'un dialogue en particulier où un gars dit à sa blonde "Ostie que je t'aime", elle de répondre "arrête moi ça les gros mots" et lui de se reprendre "t'as raison, ostie que je suis bien avec toi". C'est le genre de réplique que je trouve succulente, que j'aimerais avoir écrite. Une couple d'éclair de même dans ce petit blog et je serais fucking heureux. J'espère que la série est disponible à mon club vidéo!

Morne

Tu te rends compte que ta vie est rendue vraiment plate quand tu as mal aux muscles des joues en riant parce que tes zygomatiques sont ankylosés, parce que trop souvent un air de boeuf.


Athlètes canadiens


Exaspéré d'entendre partout dans mon entourage et dans les médias les gens se plaindre des performances canadiennes aux Jeux de Beijing. Quand tu te fous éperdument de gens pendant 3 ans et 50 semaines sur 4, que tu ne finances personne, que tu ne t'informes pas, de quel droit tu peux juger et critiquer? Anyway, c'est sûrement pas en étant joyeux de battre des records canadiens quand des records mondiaux flanchent de toute part qu'on va installer une mentalité de gagnant. Il faut publiciser le sport amateur, cultiver l'excellence, s'intéresser couramment à nos athlètes et ensuite, on pourra peut-être autant se plaindre. Je suis abonné au Sports Illustrated depuis bientôt 3 ans, on parle souvent de sport amateur, le circuit de la NCAA forme de bons athlètes, pas game de s'en inspirer.

Seul

Pour la première fois en peut-être 2 ans, je ressens de la solitude. Comme si le célibat avait pour une première fois depuis longtemps un poids. Comme un besoin d'affection rémanant, un succube d'aisance face au quotidien. Si la vie serait bien fait (ou pas), il y aurait les plotes à puck, les plotes à scooters et les plotes à bloggeur éparse et grossier. J'ai besoin de rencontrer de nouvelles personnes, élargir un peu mes horizons. Je fais du surplace à ce niveau. Pas d'occasion de rencontrer de nouvelles filles. Si ma vie serait One Tree Hill, je serais Mouth pis j'ai bien hâte que la saison 5 arrive (divagation entière que j'assume).

jeudi 14 août 2008

Lendemain

Puisque vaincre la morosité semble un combat de tous les instants en cet été où le soleil se terre comme Maxim Roy (les amateurs de Lance et Compte sauront partager ma nostalgie), un investissement massif de kilojoules dans le divertissement se doit d'être fait.

C'est ainsi que je me suis retrouvé en un clair mardi soir, après un sinueux chiffre au Royaume du Pain à passer, entre autres, 1h30 à regarder des boules de pâte tomber sur un convoyeur et les distancer, dans un petit bar lévisien. À mes côtés, The Warrior, Le Poudré ainsi que l'ailleurs surnommé Chéri d'Amour. C'est dans un bar semi bondé que j'assiste à un beau spectacle, à commencer par les salutations d'usage du Poudré et de Chéri d'Amour qui ne manque pas de simuler une franche enculade, matérialisation d'une aussi franche camaraderie.

Les pichets ou 20 onces s'enfilent respectablement, l'ambiance est sympathique. Arrive le point tournant de la soirée où Chéri d'Amour, après avoir subtilement affirmé aller s'acheter à boire, revient avec un doux plateau de 12 shooters de téquila. Après avoir expliqué à 4 ou 5 reprises le rituel d'ingurgitation au Warrior qui a visiblement un taux de compréhension à fort coefficient décroissant en fonction de son taux d'alcool, nous engloutissons cet alcool qui a tôt fait de nous réchauffer les entrailles.

Débute ensuite une intense valse de destruction massive de verre. Après avoir vider d'une traite son verre, le Warrior s'élance avec une vigueur digne de la ferveur d'un public chinois pour venir le frapper sur la table. Dans un élan surhumain, il vient fracasser son verre avec une ferveur désarçonnante. Saoul, il n'en fait point de cas. Chéri d'Amour fera de même avec un verre d'une deuxième valse de téquila. Le tout étant finalisé par l'éclatement d'un troisième verre, accroché lors de célébration post-calage.

S'enchaine alors de gras propos crier à une force déroutante. C'est ainsi que "Criss que j'engrosserais la barmaid", "Lick moé les balles", "Je fourrerais une lilliputienne pour un BigMac" et "J'ai l'orgueil gros comme une bite de noir" sont lancés à qui mieux mieux dans un bar trop tranquille.

Arrive alors un stade un peu plus brumeux marqué par le classique Coeur de loup joué à 3 reprises alors que se trémoussent sur le bar 2 jeunes demoiselles dans ce qui semble être désormais rituel coutumier dans plusieurs bars. Elles se frottent mutuellement en finissant par s'embrasser. Voilà un phénomène grandissant qui ne cesse de me méduser. What the fuck aves les filles qui se frenchent BIG TIME?

On déambule par la suite dans diverses rues pour finir sur une terrasse quelconque avec une vue imprenable sur Québec. On parle disparatement comme le ferait 3 hommes et demi réchauffés (le Warrior n'étant plus de ce monde). Chéri d'Amour m'apprend qu'avant ce soir, il s'informait à savoir si j'allais être présent lors de nos partys communs puisqu'il savait que s'il avait le goût de se battre, il viendrait me voir. Voilà de la sincérité comme je l'adore. Prétexte, le fait que je sois fort fendant, ce que je projette. Toujours intéressant de voir la perception de soi qu'ont les autres. Plusieurs semblent avoir cette image de ma personne, matière à réflexion sans doute.

Je finis par ramener mes comparses avec ma T-Mobile. Me couche.

Difficile lendemain, le mélange, bien qu'en peu de quantité, fait toujours souffrir. Mal de bloc, esprit embrouillé, bouche pâteuse. Je me suis endormi sur la radio, oreille bourdonnante. Malgré tout, l'espace d'un moment, j'ai pu varié mon quotidien qui me gruge chaque jour un peu plus profondément.

vendredi 8 août 2008

Les jeunes aujourd'hui

Jeudi, 7 août 2008, Gilles Proulx animait pour la dernière fois à la radio après 46 ans de carrière radiophonique. Pour l'occasion, le 98,5 avait invité une pléiade d'invités pour venir louanger ses talents de communicateur. 46 ans de grandes entrevues, de rencontres marquantes, de polémiques. 46 ans à traiter les gens d'attardé mental. 46 ans à croire posséder la science infuse, le savoir ultime et considérer chacun de ses propos comme la plus pure distillation de l'essence de sa perfection. 46 ans à radoter de façon indécente sur le français et sa qualité supposément décroissante dans l'entièreté de la société. Et ça, personne n'en a parlé parce que quand quelqu'un quitte, l'hypocrisie est de mise. Oh, pas d'allusion à ses insanités prononcées à TQS.

La disparition de Proulx sur les ondes à également un autre effet. La quantité de "Les jeunes aujourd'hui..." prononcée en onde au Québec vient de diminuer du 3 quart d'une claque.

Comme toutes les généralisations, celles du vieil animateur tiennent rarement la route. Je l'écoutais régulièrement en reprise la nuit cet été et il se gâtait courrament les "les jeunes aujourd'hui, ce sont tous des fainéants", "il n'y a pas un jeune aujourd'hui qui sait s'exprimer correctement en français" ainsi que le classique "les jeunes d'aujourd'hui qui ne sont plus que des délinquants".

Il n'y a pas une seule fois, et je le jure pas une, où je l'ai écouté et où il n'a pas mentionné le fait que les jeunes aujourd'hui ne parle pas le français. Il trouvait toujours un moyen à travers ses entrevues de revenir sur le sujet et partir sur sa longue et interminable tirade. Il met la faute sur les jeunes, comme si le système d'éducation n'avait rien à y voir, comme si les parents étaient exempts de tout soupçon.

C'est ironique de voir à quel point les générations adultes trouvent toujours moyen de se plaindre des plus jeunes. Et ce, depuis toujours. Je trouve ça particulièrement spécial de voir la génération de baby-boomer, la gang de la Révolution Tranquille qui a fait fi de toutes les traditions catholiques, chamboulant les repères des plus âgés, y aller de jugement aussi critique envers une jeunesse effervescente qui est ouverte sur le monde, bilingue ou trilingue, curieuse, hétéroclite.

Le pire c'est que vieux croulant, je trouverai probablement le moyen de pourfendre les plus jeunes. Comme quoi la vie est un cycle.

Gilles Proulx donne une leçon de français, en grand pourfendeur du joual qu'il est.

mercredi 6 août 2008

Paradoxe

Il fait nuit noire. J'aime bien me promener tard le soir dans une ville où l'effervescence se fait discrète, une ville qui une fois le crépuscule devenu souvenir, devient comme une compagne à fidélité introublable. Je marche erratiquement parmi cette cité de béton, laissant errer mon regard avec une désinvolture quasi érotique parmi ces temples froids et sourds. Je divague sans but, m'évadant ainsi des multiples et carnassiers carcans trop souvent synonyme du soleil. C'est plutôt la lune, de son bienveillant désintéressement, qui illumine mon sinueux parcours d'un faisceau timide.

Lentement, je respire, me soulant à pleines voluptés de ces odeurs qui habitent cette dense atmosphère. Petit à petit, perceptiblement, le gaz carbonique, résidu des milliers de voitures ayant parasité les pavés vieillissant de cette ville si riche, s'évade, se fait oublier, presque désolé de troubler le doux parfum que chaque vague du fleuve amène, coupable de déranger cette équilibre si parfait qu'est celui de la nature. J'inspire à pleins poumons, me délectant des arômes de raffinés épices qui émane de la tardive cuisine d'un petit bistro étonnamment bondé. J'inhale la brûlante fragrance d'une passante au regard de braise.

Comme peu souvent, je me sens en paix. Apaisé par cette consommation sans retenue de ma solitude que je chérie bien plus que je n'ose l'avouer. Loin des sottes considérations trop souvent en provenance d'autrui, je me vautre dans l'indifférence que je provoque, exalté d'une liberté sans bémol. Je saisis ce moment, cette courte période où tout le paradoxe sociétaire est éclatant de par sa magnificence. Alors que le réflexe humain amène à se définir selon la masse, c'est dans ces instants d'unicité que je saisis pleinement un identité que j'ai la frivolité de croire mienne, une personnalité que je me perçois propre. Grisant.

Je prends une pause, mon aléatoire itinéraire m'ayant mené à un point où il m'est permis d'admirer la ville dans toute sa splendeur. À perte de vue, des édifices, des enseignes, de disparates lumières. Un paysage de ciment modelé par de multiples mains, comme un surréaliste tableau peint par des centaines d'artistes égocentriques. Un calme plat règne tandis que le sombre panorama semble immobile.

Je tends l'oreille, écoute ce silence, troublé par ce mât mutisme. Il y a dans cet absence de son un mystère profond, une troublante aporie. Alors que le son du silence engourdi mes tympans, je scrute l'horizon, médusé que tant de vie puisse se faire aussi subtile. Une telle discrétion me paraît indécent.

Dans sa chambre tapissée de posters, une jeune fille de 14 ans se dénudent devant sa webcam, vorace d'attention qu'elle n'a jamais suffisamment reçue. Dans une salle aseptisé d'hôpital, une femme donne la vie, sa main étant serrée par son mari fortement ému par tant de beauté. Dans un miteux appartement, un jeune homme paumé pleure en se masturbant. C'est qu'il pense à un autre homme. Près d'un foyer, un père lit Cendrillon pour la centième fois à sa petite fille qui s'est endormie dans le creux de son bras, le sourire aux lèvres. Dans les confins d'une ruelle, une pute s'envoie une dose d'héroïne avant d'aller se faire baiser par un homme obèse ignoré par sa femme depuis 5 ans. Agrippée à son téléphone, une femme se réconcilie avec sa mère après 15 ans de mésententes mutuelles.

Et pourtant, haut perché, je n'entends rien. Rien de tout ça ne transcende de cette ville dont le calme me semble désormais morbide. L'opacité de la cité étouffe les multiples émotions qui s'y vivent, comme un vice qu'on souhaite caché, cruellement invisible. Je suis là et je n'entends rien. Les bruits devraient être multiples, un tintamarre d'exclamations, tant tristes que joyeuses. Cependant, je demeure sourd, impuissant devant un tel tapage silencieux.