jeudi 29 mai 2008

Décrochage

Alors que j'essaie d'éviter le Journal de Québec comme la peste par solidarité pour les lock-outés du Média Matin Québec, je suis à chaque jour tenté par des copies dudit journal placées un peu partout dans la salle de pause du Royaume du Pain. Dans les sombres jours où je suis sans compagnie, seul et sans roman, je m'égare à feuilleter la section éditoriale.

Cette semaine, je suis tombé sur le gros dossier que Québecor poussait fort sur toutes ces plate-formes: le décrochage. Ayant un frère très peu motivé par l'école et parce que c'est un enjeu social, le sujet m'a interpellé.

Perso, j'ai toujours eu une certaine facilité au niveau scolaire. Mes notes étaient correctes, j'investissais peu ou pas de temps dans mes études et j'avais des amis. Bref, rien pour avoir du trouble. Or, c'est loin d'être généralisé. Les chiffres m'ont fessé. Des écoles à 30-40% de décrochage, il y en a une pléthore. Qu'est-ce qu'on fait?

Pour moi, ça se résume en un mot. Compétition. Alors qu'avoir une évaluation quantitative plus que qualitative de ses compétences en milieu scolaire semble relever de l'exploit, il faut réinstaurer une compétition, soulever le défi et les passions, susciter une motivation qui semble s'en aller en s'effritant.

Depuis quelques années, on s'évertue à tenter de faire croire à tous que tout le monde est égal, tout le monde est aussi bon. Alors qu'on perd des heures à tenter de perpétuer ce leurre, la société elle n'en a que faire et la vérité demeure toujours aussi implacable, il n'en est rien. Pas de ruban bleu de participation dans la vraie vie, pas de collant pour une job mal faite.

J'ai eu vent d'une école à Montréal, avec le deuxième plus bas taux de décrochage si je ne me trompe pas, qui a décidé de divisé son école en 4, un peu à la sauce Harry Potter, et d'instaurer un système de point. C'est drôle à dire mais alors que je découvrais le sorcier et dévorais à satiété les romans de J.K. Rowling au début de mon secondaire, je me surprenais à espérer un tel système de pointage, un milieu où mes performances académiques seraient plus appréciées, valorisées.

Comprenez moi bien, il y a bien d'autres trucs à valoriser. L'excellence sportive, l'implication parascolaire, le théâtre, la musique, l'initiative générale, la lecture, etc. Et puis on dévalorise les suspensions, l'absentéisme en classe, les bagarres, vous comprenez le principe. On crée un système où on calibre chacun de ces trucs. Ça coute presque rien. On donne une journée à Valcartier ou à la Ronde aux vainqueurs. Une petite carotte au bout du bâton.

On tisse des liens entre des personnes qui autrement se seraient peu parlé. On donne une raison de plus de se lever à certains jeunes. On apprend à gagner et à perdre, c'est un peu ça la vie non? En valorisant une panoplie de domaines, il serait étonnant que chacun ne trouve pas une façon de contribuer, de faire partie d'un groupe. On utilise le côté ludique des jeunes à bon escient.

Et puis après, quand tu gagnes, tu te sens fier, tu veux récidiver. Tu perds? Tu veux ressortir plus fort, tu apprends à gérer une déception et après, lorsque tu as à gérer une tel situation dans la vie, tu es plus apte à rebondir, à choisir les bonnes solutions. Tellement de jeunes se suicident lors des premiers échecs qu'ils rencontrent, détruit par le sentiment de déception sans avoir quelqu'un derrière soi pour te dire "pas grave, tout le monde est bon".

Est-ce que je suis en dehors de la track ou bien il y a quelques choses là à utiliser? Et pourtant, je doute que le tout se propage. Le décrochage scolaire est entre les mains des commissions scolaires, ces champions de la non-solution...

14 commentaires:

Le chômeur a dit…

Moi aussi, comme toi,j'ai toujours eu une facilité déconcertante à l'école des moyennes de 95% au secondaire et au CEGEP puis des A+ à l'Université, j'en ai eu une panoplie et ce, sans étudier. JAMAIS.

Ceci a pour effet de me couper un peu d'avec la réalité, parce que je ne comprends pas qu'on puisse éprouver de la difficulté à l'école. Par le fait même, j'ai de la difficulté à comprendre qu'on puisse décrocher si facilement de l'école... c'est pourtant si peu demandant (!).

C'est juste depuis que j'enseigne (depuis l'an passé) que j,arrive à constater la situation alarmante dans les écoles québécoises.

Cependant, je ne crois pas que la solution doit passer par un nouveau nivellement par le bas. J'pense qu'on devrait revenir à une valorisation globale et collective de l'instruction (parce que l'éducation, c'est autre chose); parce que trop souvent, on a tendance, au Québec, à ridiculiser les universitaires.

Drew a dit…

On a instauré un système qui ressemble un peu à ton idée des 4 divisions. Un peu plus facile parce que c'est en milieu professionel. Le décrochage par contre l'est tout autant. Situation financière précaire, famille ect ect...

Je lisais chez Crocomickey et chez l'Intellexuelle justement l'intérêt qu'un prof doit susciter chez ses étudiants et malheureusement... Je remarque que chez bon nombre de mes collègues, ça ne se fait pas ;-)

KattyKane a dit…

Je crois aussi que le manque de soutien financier pour aider les écoles à venir en aide aux étudiants qui en ont de besoin nuit grandement aussi.

Il y a très peu d'écoles qui ont des programmes de tutorat pour les jeunes qui ont de la difficulté. Je suis pourtant certaine que les jeunes apprécieraient grandement d'être aidés. Pis pas de truc après l'école... parce que personne veut rester après l'école...

Mais un genre de tutorat en classe... le Chômeur le faisait dans une école de St-Jean et ça semblait bien marcher...

En tk... y'a de quoi à faire cette belle jeunesse là... y'a de quoi à faire j'vous dis!

;)

Josiane a dit…

J'ai toujours eu horreur de toutes ces soirées de Méritas où tout le temps les mêmes avaient des prix...
On se pète les bretelles en gagne et on aime dont ça...

La compétition il y en a déjà à l'école...Les Cote R : le gros kit...La vue de la fille qui capote en cours d'art parce qu'elle ne veut pas que sa cote R baisse est déjà assez troublante pour qu'on en rajoute!!

Le milieu social est également à considérer : pas de valorisation de l'éducation auprès des jeunes, une mauvaise alimentation, la reproduction des inégalités sociales, le manque de ressources etc.

Je doute que la compétition arrange tout ça...

On doit investir dans notre éducation pour contrer le problème des inégalités sociales et ainsi remettre tout le monde sur un pied d'égalité.

Une éducation de qualité et accessible pour tous...

Étienne Ferron-Forget a dit…

Sans être complètement en accord avec tes propos, je souhaiterais tout de même que cet article de ta part apparaisse dans les colonnes des journaux. C'est assez pertinent, si je puis dire.

En ce qui concerne le fait que tout le monde est bon, j'en doute fort, moi aussi. D'accord, en partie, avec ce système de compétition.

Le Tapageur Silencieux a dit…

@chômeur: Excellent commentaire, j'abonde vraiment dans ton sens, valoriser l'instruction (et non l'éducation comme tu l'as dit, d'ailleurs, de plus en plus de parents semblent croire que c'est le boulot de l'école d'éduquer...enfin). Maintenant, c'est plus facile à dire qu'à faire. C'est des pensées incrustées depuis longtemps.

@drew: C'est sûr que parfois, les raisons du décrochage sont hors du contrôle des écoles. Mais comme tu dis aussi, beaucoup quittent parce que non stimulés. Je pense qu'on est rendu dans une génération où les stimulations sont si intenses et constantes qu'il peut être difficile pour des enseignants de la vieille garde de s'adapter et d'être conscient de cette nouvelle réalité.

@kattykane: C'est sur que le financement peut entrer dans l'équation mais j'avais déjà lu un article, je ne sais plus trop où, où on parlait du financement/élève et on comparait avec d'autres pays. La Finlande, qui semble être la référence en matière d'enseignement, ou du moins un bon modèle, faisait mieux avec des moyens plus limités. Je me dis qu'on peut surement faire mieux aussi sans nécessairement regarder au niveau monétaire. Pour ce qui est du tutorat ou d'un enseignement plus individuel, c'est tellement efficace. Pour avoir déjà aidé des gens individuellement, on voit la différence.

@josiane: La compétition au CEGEP ou à l'Université, je veux bien, mais au secondaire ou primaire, la seule compétition est celle naturelle qui s'installe entre les étudiants et je crois que ça peut être sain et utilisé à bon escient. Pour le financement, comme à Kattykane. D'accord pour valoriser l'instruction mais de grâce "remettre tout le monde sur un pied d'égalité", on le fait déjà tellement, trop même. Il faut stimuler nos meilleurs et aider les élèves en difficultés or jamais ou presque on ne parle de stimuler les meilleurs. À chacun s'applique des mesures différentes, il le faut pour le bien de tout le monde et l'épanouissement collectif. Il y a tellement de talent, peu importe le domaine là, qui reste atrophié parce que non utilisé ou même découvert. Arrêtons de vouloir mettre tout le monde égale. La vraie vie est pas comme ça et je crois qu'au sortir de l'école, il faut être prêt à affronter la vie.

@eff: C'est sur qu'il y a des lacunes mais du moins, ce serait un pas dans la bonne direction, puis on réajuste, on améliore, on ÉCOUTE LES JEUNES. L'important c'est de ne pas rester inerte au fond. Merci pour les bons mots également.

Pinocchio a dit…

Très intéressant et je suis bien d'accord avec ton idée.

Je jasais récemment avec des amis dont certains font partie intégrante du corps professoral québécois et c'est définitif, il n'y a pas suffisamment de stimulation pour les meilleurs étudiants. On regarde les pires, en on s'ajuste en fonction de ceux-ci.

S'il y a bien une chose que j'ai apprise au cours de ma carrière sportive c'est que, pour avancer, il faut sans cesse être stimulé par l'atteinte d'objectifs. À 10 ans, rares sont ceux qui s'auto-stimulent académiquement.

Exemple: Regardez comment dans les domaines sportif et scientifique on arrive à l'excellence. Ce n'est PAS en se faisant dire: "Bravo les amis! Tout le monde est égal! Ne vous démarquez surtout pas!". Faut vouloir se dépasser, battre le voisin pour marcher sur la lune en premier, s'entraîner plus fort (et plus méthodiquement) pour courir plus vite que nos adversaires.

Sans la compétition, jamais la technologie n'aurait à ce point évolué, jamais nous n'aurions couru le 100m en moins de 10 secs (très mauvais exemple, mais bon). Mais attention, la compétition peut effectivement devenir malsaine. Il s'agit surtout de garder une pression constante sur les élèves pour qu'ils évoluent le plus rapidement possible en communion avec le bonheur et la soif intrinsèque d'apprendre et de découvrir.

La compétition, bien dosée et expliquée, est saine.

Anonyme a dit…

Très bon texte tapageur. Personnellement, ce que je retiens de mon expérience au secondaire est certainement la non-existence d'un programme pour motiver les meilleurs. Comme l'ont déjà dit plusieurs, on regardait les plus ''poches'' et les écoles s'ajustaient en fonction d'eux. Un chance qu'on avait un belle gang qui s'auto-motivait.

Mais pour changer de sujet un peu, quand est-ce que les écoles vont réaliser que des cours d'éducation physique mixtes c'est du gros n'importe quoi. Plusieurs filles ne crissaient rien dans leurs cours d'éduc parce que gênées par les gars qui voulaient bien performer et/ou impressionner la galerie. Non pas que les filles sont lâches en éduc, mais un cours séparé pourrait être bénéfique pour les deux sexes. Car avouons le, le calibre des filles est inférieur à celui des gars, surtout au secondaire. (Oui je sais qu'il y a des exceptions, mais c'est une généralisation. Dans le sport professionnel c'est aussi le cas). Sachant que le sport est une motivation pour bien des élèves masculins au secondaire, cette séparation pourrait être un pas dans la bonne direction.

Le Tapageur Silencieux a dit…

@pinocchio: Et voilà, c'est comme ça qu'on arrive à avoir des gens plus instruits et perfectionnés. De la compétition pour créer l'excellence et comme tu dis, un bon dosage pour que chacun s'épanouisse dans ce milieu.

@boutch: BON POINT! Ça toujours été une des choses qui me chicotaient le plus. Je suis persuadé que les filles auraient plus de fun et seraient plus motivées à faire du sports entre elles, et que dire des gars qui feraient bien sans les cônes défensifs que sont les filles qui parlent en jeu en pleine partie de soccer.

Caro C a dit…

Ayant fait mes 4 premieres années de secondaire au privé, car mes parents m'y avaient obligée, je peux te dire que la compétition y était féroce et pas à peu près. Ça en était même très stressant pour moi, qui avait certaines difficultés en mathématiques par exemple, car chaque année ils faisaient du "ménage" (c'est justement à cause de ses difficultés que je n'ai pas pu finir mon secondaire là). Et quand tu sais que tu es avec les meilleurs, c'est assez intimidant de "déranger" la classe pour poser tes questions! J'étais très découragée et démotivée et je me sentais "poche" à comparé les autres.

Aller au public fut bénéfique dans mon cas (où j'étais soudainement une des meilleures sans mettre la moitié des efforts), malgré le fait que j'ai acquis une meilleure méthodologie que mes camarades du public, au privé.

Mais je comprends ton point de vue et je sais que c'est principalement du public dont il est question et je suis d'accord avec toi sur plusieurs points que tu soulèves. Le Tapageur comme Ministre de l'éducation, et ça presse!! ; )

Le Tapageur Silencieux a dit…

@caro: Je ne connais pas trop le milieu du privé, je l'avoue. Sans doute que la compétition y est plus présente, d'ailleurs, les statistique de décrochage y sont de beaucoup moindre. Surement pas totalement du hasard. Pour ce qui est d'être gêné de poser des questions, j'imagine que ça fait partie du processus de revalorisation de l'instruction, une soif de savoir ne devrait pas être jugée. À travailler tout ça. Pour ce qui est d'être ministre, moi qui aime la politique, je suis de moins en moins sur que je veux m'y plonger un jour :P

L'Ours qui a vu l'Homme a dit…

Il y a beaucoup de facteurs qui influencent le décrochage scolaire, les deux plus grands étant généralement la motivation et la valorisation.

La valorisation du savoir c'est pas facile dans une société où il y a beaucoup de royaumes du pain. Et de programmes sociaux pour les gens capables mais trop lâches pour travailler. Tant et aussi longtemps que les nerds seront traités en extra-terrestres et que l'on continuera à vénérer les Jonathan Roy de ce monde, les taux de décrochage seront élevés. Le chômeur avait un bon point avec la ridiculisation des universitaires - si vous saviez le cynisme que je reçois, *surtout* de ma famille et mes proches, pour avoir fait un bacc en math...

Cette facette relève beaucoup des parents et de leur éducation à ce que l'économie du savoir apporte à la société. Lorsque les parents commenceront à élever leurs enfants avec des valeurs telles que "le savoir pour le savoir" ou "la pensée comme outil de travail concret" (comme je sais que nos deux pères ont fait), les taux de décrochage vont baisser.

Le sport c'est bien, c'est essentiel à conserver un équilibre biologique dans notre corps et j'encourage tout le monde à faire un sport qu'ils aiment - souvent et très fort. Par contre, je crois que la promotion est trop faible pour le sport amateur et trop forte
pour le fandom professionnel.

La motivation est une source plus complexe et plus ramifiée du décrochage. Il y a des enjeux d'apprentissage (aimer ce qu'on apprend), des enjeux personnels et professionnels (qu'est-ce que ça m'apporte? Où est-ce que ça va, que ca me mène?), des enjeux de compétition (tel que mentionné dans le texte) et des enjeux sociaux (étudier avec / pour voir des amis, ça fait la job).

À la fin du secondaire et tout au long du cégep (que ça prenne 2 ou 7 ans), le jeune adulte est en période de construction de son identité personnelle, sociale et professionnelle. Il n'a fuck-all aucune idée d'où il va être dans 5 ans, il ne sait pas avec qui il va être ou où il va travailler.

L'idée d'enlever les cours de FPS et d'ECC pour incorporer une approche orientante dans tous les cours est géniale sur papier parce que c'est ce que tous les cours devraient faire, du secondaire un à la troisième année de bacc. Par contre, dans la pratique, ceux qui sortent du câdre de leurs cours pour prendre une minute de dialogue avec leurs étudiants ici et là, ça ne pleut pas.

C'est dommage car on se passe la puck en fin de compte: les jeunes décrochent alors les parents chiâlent que l'école ne leur est pas favorable - au lieu d'en parler avec leur jeune pour trouver des passions à leur faire explorer. L'école dit aux profs d'en parler aux étudiants - au lieu d'organiser des journées carrière obligatoires où les jeunes rencontrent des professionnels qui pourraient leur faire expérimenter un métier qu'ils aimeraient - et les profs se disent "j'ai beaucoup de matière, ils en parleront dans des cours plus légers que le mien" au lieu de prendre une minute de temps en temps pour partager leur passion de leur domaine. Les profs délèguent alors à la société et aux parents de faire apprendre à leurs jeunes, sur le tas, qu'ils ont de l'avenir.

C'est le travail de tout le monde d'asseoir les étudiants pour leur faire penser à eux-mêmes, à leurs désirs, à leur futur. C'est difficile, pour un jeune qui sort d'un milieu défavorisé, de croire qu'en allant à l'école, il s'en sortira. Pas parce qu'il n'y croit pas, parce qu'il ne le sait pas, et qu'il n'en a aucun exemple.

Bref, oui la compétition ça fait pour certains (toi et moi y compris), mais pas pour tous - peut-être pas pour ton frère par exemple. Il faut d'abord qu'ils aient un but, une fin à anticiper avant de se lancer tête première dans cette aventure. Ça leur prend probablement du support, de la valorisation et du renforcement positif pour arriver à seulement voir un but positif à l'école.

Morale de cette histoire: dans l'environnement scolaire comme dans l'environnement vert, on commence par la sensibilisation ...

Anonyme a dit…

Faut pas oublier le côté négatif de la compétition non plus... Les membres de Slytherin détestent ceux de Gryffindor... Hehe

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